Blogueur invité: Brock Jones, avocat de la poursuite en matière pénale

Comment les tribunaux devraient-ils déterminer des peines convenables pour les prédateurs sur l’Internet qui s’en prennent aux enfants vulnérables par diverses formes de cyberintimidation? Cette question a été soumise à la Cour d’appel de l’Alberta dans la cause R c Mackie (2014 ABCA 221).

Contexte

Statistiques Canada a rendu public cet été que le taux traditionnel de criminalité au Canada a subi une réduction de 8 % de 2012 à 2013, en atteignant son plus bas taux depuis 1969. Toutefois ce déclin général dans les taux de criminalité est assombri par une donnée troublante- la hausse des infractions criminelles sur Internet contre les enfants.

Les infractions criminelles qui représentent des agressions sexuelles contre les enfants ont augmenté de 6 % depuis 2012. En particulier, l’utilisation de l’ordinateur pour séduire un enfant dans le but de l’agresser sexuellement a augmenté à un taux alarmant de 30 % dans l’espace d’une année. L’exploitation sexuelle a augmenté de 11 %. La pornographie infantile qui est presque toujours pratiquée par l’intermédiaire de l’Internet signifie également que nous avons connu une augmentation de 21 % depuis 2012 et une augmentation incroyable de 163 % depuis 2003.

Ces poursuites sont devenues de plus en plus compliquées puisque les auteurs de ces infractions ont tendance à se cacher derrière l’anonymat de l’Internet et que les victimes peuvent provenir de partout dans le monde. Pourtant les victimes- des enfants sans défense- sont les membres les plus vulnérables et les moins susceptibles d’aller chercher de l’aide et de la protection lorsqu’ils en ont le plus besoin. Ces infractions criminelles frappent véritablement au cœur de notre bien-être collectif et de nos valeurs communes.

Faits de R c Mackie

MacKie a plaidé coupable à 39 accusations toutes liés à des infractions criminelles à l’égard d’enfants. Les infractions ont été décrites par la Cour d’appel comme de la cyberintimidation et de l’exploitation de nature sexuelle qui ont été commises sur une période de quatre ans. Mackie, qui était alors dans la jeune vingtaine avait eu recours à ses connaissances informatiques pour mettre sur pied des faux profils d’Internet afin de communiquer avec 21 enfants âgés entre 11 et 16 ans. Il a communiqué avec eux par l’intermédiaire de réseaux sociaux populaires sur Internet en faisant semblant d’avoir le même âge qu’eux.

Il a obtenu leurs renseignements personnels. Il a posé des questions de nature très personnelle et sexuelle. Il les a incités à lui fournir des photographies sexuellement explicites et puis les a menacés de distribuer ces photographies à leurs amis et les membres de leurs familles s’ils ne lui envoyaient pas des photos et des vidéos encore plus explicites. Il a finalement pris contrôle de leurs comptes en ligne, a affiché leurs photos en ligne et entré en communication avec leurs amis ainsi que leurs frères et sœurs.

Ces victimes ont été décrites comme étant complètement dépassées, qu’elles se sentaient terrorisées et coincées et grandement traumatisées. Au moins une d’entre elles a songé au suicide pour échapper à l’enfer de l’Internet crée pour lui par Mackie. Ce tourment a eu des répercussions durables sur les enfants : voir par. 4 à 8.

La peine

Le juge du procès a imposé une peine totale de 11 ans d’emprisonnement dans un pénitencier. Mackie n’avait pas d’antécédent judiciaire. Il a exprimé peu de remord pour ses gestes et a avoué qu’il avait aimé « la satisfaction de la chasse » (« thrill of the hunt ») : voir par. 9.

La Cour d’appel a maintenu la peine. La Cour a exprimé qu’il n’était qu’un prédateur d’enfants cruel et a expliqué que nous avons comme société appris à connaître les répercussions que de telles infractions criminelles avaient sur les enfants y compris de mener au suicide. voir par. 17.

Au paragraphe 18, La Cour a conclu de façon forte et sans équivoque :

La société ne peut pas tolérer de telles infractions et nous sommes déterminés à faire ce qu’il faut pour protéger les enfants contre la cyberintimidation et l’exploitation. Dans des cas comme celui qui se trouve devant nous, nous devons avoir recours à l’emprisonnement, en mettant de l’emphase sur les objectifs de la détermination des peines que sont la punition et la dissuasion.

R c Mackie servira de jurisprudence importante à l’encontre des agresseurs futurs pour souligner les répercussions néfastes et durables associées à la cyberintimidation.

Ressources disponibles en ligne

Le 28 septembre 2014, le gouvernement fédéral a annoncé une partie de sa stratégie pour lutter contre la cyber intimidation. Le gouvernement gère un site Web, Pensez cybersécurité, qui comprend des renseignements très utiles et des outils pour aider les parents et les adolescents à traiter de la cyberintimidation et ses répercussions.

Dans son annonce Sécurité publique Canada fait mention des ressources suivantes :

  • Le Centre de prévention du crime chez les jeunes de la GRC offre des ressources telles que des fiches de renseignements, des plans de leçons et des outils d’apprentissage interactifs pour les jeunes, les parents, les policiers et les éducateurs en lien avec l’intimidation et la cyberintimidation;
  • Le Centre canadien de protection de l’enfance a mis sur pied deux sites Web Cyberaide.ca et AidezMoiSVP.ca qui permettent aux Canadiens de dénoncer en ligne les exploitations sexuelles des enfants et de chercher de l’aide contre l’exploitation liée au partage non consensuel des images de nature sexuelle.